James Carlson est le créateur d'un des premiers espace tiers-lieu au monde, Bucketworks. Cette année il viendra nous raconter son histoire. Découvrez qui est James avant de le voir en vrai.
Salut James, qui es-tu ?
On m’appelle parfois un “entrepreneur interdisciplinaire et iconoclaste”, ce qui me convient bien. Je n’ai pas envie de m’enfermer dans une discipline particulière, mais en même temps j’apporte de la discipline et de la passion à mon travail.
Après avoir quitté l’école à 16 ans, j’ai fondé une société technologique au tout début de l’internet commercial. Un début de carrière très impliqué dans la technologie, et la croissance de cette société, m’ont bien éclairé sur le monde du travail, et m’ont exposé à des entreprises de toute taille à travers le monde. Mais travailler avec ces grosses multinationales a fini par me déprimer, et j’ai finalement abandonné cette carrière pour poursuivre un projet plus en adéquation avec mes valeurs.
En 2002, j’ai lancé un espace collaboratif appelé Bucketworks à Milwaukee (Wisconsin, USA). C’était le début de ma seconde carrière dans le développement communautaire et collaboratif (j’expliquerai plus en détails Bucketworks dans ma conférence à MiXiT). Choisir un travail et un projet qui intègre mes croyances et valeurs a transformé ma vie.
Le succès de Bucketworks, sur un modèle qui s’est depuis répliqué dans d’autres villes, m’a conduit à diriger un réseau national d’espaces collaboratifs appelé The Space Federation, sous l’égide d’une société nommée The School Factory. Mon intention était de réformer et reconstruire tout l’enseignement public avec un réseau d’espaces collaboratifs, qui auraient amélioré, étendu, voire remplacé les écoles dans chaque communauté. Grâce à une subvention du gouvernement des États-Unis nous avons pu écrire un livre sur comment créer des tiers-lieux, dont le titre était The Make-a-Space Kit.
Ce travail m’a permit de rencontrer l’équipe du Centre de Recherche Interdisciplinaires à Paris, qui m’a invité en France pour partager les méthodes développées aux USA pour construire ces communautés d’apprentissage par la pratique, et diffuser l’interdisciplinarité au sein de l’Éducation Nationale. Je vis en France depuis 2016, et je suis en ce moment en train de créer un tiers-lieux appelé Bright City à Paris.
Que vas-tu présenter à MiXiT cette année ?
Je vais partager l’histoire de Bucketworks, un espace collaboratif que j’ai créé en 2002 à Milwaukee dans le Wisconsin (USA). On appelait ça un “espace de santé pour l’esprit”, parce que les termes de “co-working” et “makerspace” n’avaient pas encore été inventés. Ce n’est que de nombreuses années plus tard que d’autres espaces comme Bucketworks ont commencé à fleurir dans les villes aux États-Unis, alors on était probablement des pionniers. On a créé un espace gigantesque, qui a grandi de 800 à 3500m2 avec le succès de notre communauté.
Bucketworks comprenait un théâtre, un café, un atelier de menuiserie, un espace pour les entrepreneurs, un espace événementiel, un studio de danse, des salles de réunion, de classe, et une multitude d’autres environnements pleins d’outils, matériaux et personnes qui voulaient faire de nouvelles choses : de l’entreprise à l’étagère ! Les membres de notre “espace de santé pour l’esprit” ont créé des milliers d’événements, business, et œuvres d’art à travers cette communauté. On a cependant plus appris de la façon dont la communauté fonctionnait ensemble que des produits qu’elle a créés, et c’est de ces valeurs dont je vais parler à MiXiT.
Peux-tu expliquer en quelques mots ce qu’est un tiers-lieu ?
Un tiers-lieu vient après la maison et le travail dans nos vies, et on l’utilise pour partager et collaborer informellement avec d’autres membres de notre communauté. Il y en a plusieurs variétés, de l’espace de co-working, au makerspace, à la cuisine communautaire, et bien d’autres. En France, il y a environ 1800 tiers-lieux référencés, et de nouveaux s’ouvrent tous les mois. Bien qu’ils soient tous uniques, ils partagent des valeurs communes de collaboration et d’échange informels, et d’accès à des outils, infrastructures ou matériaux partagés.
Te souviens-tu d’une difficulté et d’une bonne surprise quand tu as monté ton premier tiers-lieu ?
Notre bâtiment a été détruit deux fois par des inondations ! Ce fut une épreuve majeure, et rien n’aurait pu nous y préparer. Mais cela nous a montré combien une communauté peut être forte, parce qu’elle peut se reconstruire et continuer à avancer ! Les bonnes surprises étaient si nombreuses qu’il m’est difficile de les compter, mais on nous a fait don une fois de 50.000 paires de béquilles en bois qui avaient été mal étiquetées et destinées à la poubelle. On en a utilisé le bois pour faire des meubles !
Il me semble que tu as en ce moment un autre projet qui t’occupes. Peux-tu nous en dire plus ?
Peu après la création de Bucketworks, j’ai vécu une sorte de renaissance personnelle, et je me suis alors mis à l’expression artistique. À travers une série de rêves, j’ai été inspiré pour créer une image du Monde à partir des iris de 10.000 personnes. Chaque iris serait apposée sur un endroit de la Terre où elle correspondrait le plus, grâce à une intelligence artificielle que je crée pour l’occasion. Ainsi, les iris viennent à former une mosaïque de la planète, que j’exposerai dans des planétariums et d’autres espaces de projection, à partir de 2020. Je serai ravi de prendre en photos les yeux des participants à MiXiT durant la conférence !
Tu tiendras un stand à MiXiT. Que comptes-tu y faire ?
Quiconque voudra participer à ces Yeux de Gaia pourra venir sur mon stand ; le processus de contribution de ses yeux est évidemment indolore. La prise d’image prend une à deux minutes, et nous regarderons ensuite et discuterons du résultat.
La plupart des gens n’ont jamais vu leur yeux à une telle résolution, alors c’est souvent étonnant et émouvant. Je suis particulièrement intéressé par les gens qui pensent avoir les yeux verts, parce qu’après avoir pris plus de 7400 photographies d’œil je n’en ai jamais vu un seul vraiment vert !
Que réponds-tu aux gens effrayés à l’idée d’avoir l’image de leur œil rendue publique ?
En tant qu’expert de la technologie, je prends la question de la vie privée très au sérieux. Chaque image est partagée en ligne avec un seul iris, sans aucun lien vers des informations identifiant son propriétaire. Chaque œil se voit attribué un numéro unique, pour que les participants retrouvent le leur par la suite. Aussi, j’altère très légèrement chaque image, de manière très subtile et invisible, mais qui la rend impropre à la réutilisation. Enfin, la plupart des systèmes de reconnaissance attendent qu’un œil soit au milieu d’un visage, et comme ces images ne sont que des cercles de couleur flottant sur du noir, elles sont inutiles pour des systèmes de reconnaissances.
Et enfin, quels sont tes projets futurs ?
En ce moment, j’écris un livre sur l’expérience de la création de Bucketworks, d’une mosaïque du Monde à partir de 10.000 yeux, et d’un tiers-lieu à Paris appelé Bright City. On y propose 1200m2 remplis de créatifs, artistes et personnes qui veulent changer le monde et le rendre meilleur. Venez nous rendre visite quand vous passez à Paris !