L'UX, tout le monde en a une définition et pourtant peu de gens savent en faire. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il s'agit d'une discipline à part entière, un vrai métier dont Sophie Freiermuth va nous livrer quelques secrets.
L'équipe MiXiT : Nous t’avons rencontré à Agile Grenoble 2011, pour ceux qui n’auraient pas eu la chance d’y aller ou de voir ta session, peux-tu nous parler de toi en quelques mots ?
Sophie Freiermuth : Je suis praticienne de l’expérience utilisateur. C’est une discipline qui est relativement développée en Grande-Bretagne où je réside, et en Amérique du Nord, mais encore très mal connue en France, où l’on est plutôt familier avec l’ergonomie, qui en est, en réalité, une sous-discipline. J’ai eu la chance au cours de ma carrière de travailler avec des équipes qui pratiquaient Agile, et donc de découvrir une nouvelle façon de travailler qui est très proche des développeurs, ce que j’apprécie particulièrement. J’ai découvert un réel besoin de mes compétences au sein de ces équipes et ai décidé de partager autant que possible ce que je sais en attendant qu’une génération de praticiens arrive en France, ce qui malheureusement prendra du temps car il existe très peu de diplômes et une grande incompréhension de la valeur de la discipline.
L'équipe MiXiT : Le rôle d’ergonome est mal connu ou chacun a sa propre définition, peux-tu nous expliquer en quoi il consiste ?
Sophie Freiermuth : Je vais vous proposer mes définitions personnelles. L’ergonomie est la discipline qui étudie l’adéquation entre l’outil et l’humain. Par exemple, si une chaise de bureau permet une position optimale ou si un design aide l’utilisateur à comprendre dans quel ordre remplir un formulaire. L’ergonomie considère tous les utilisateurs, et s’intéresse souvent aux utilisateurs affectés de handicaps courants ou moins : dyslexie, handicaps moteurs qui rendent difficile une grande précision avec une souris etc. C’est une discipline qui a beaucoup marqué le monde digital en contribuant à identifier ce qui pose problèmes aux utilisateurs notamment via des études sur des produits finis. C’est à mon sens une sous-discipline de l’expérience utilisateur qui, elle, s’intéresse à tout ce qui contribue à former l’expérience, l’émotion générée par un produit au-delà de sa capacité à remplir la tâche demandée. L’Expérience Utilisateur comprend donc l’architecture de l’information, le design de l’interaction, l’ergonomie et l’étude des comportements des utilisateurs au-delà du produit. C’est une discipline née à l’intersection entre la psychologie et l’informatique, avec les premiers ordinateurs car il s’est très vite agit de confier les ordinateurs à des métiers qui avaient besoin de la puissance de calcul mais pas forcément le métier d’informaticien à cœur : mathématiciens, ingénieurs etc. En adaptant les ordinateurs aux humains, la discipline a permis l’expansion de l’informatique dans le grand public : invention des interfaces cliquables et de la souris, puis des interfaces tactiles, etc. C’est une discipline en pleine expansion car elle contribue de manière positive à la performance financière de tout ce qu’elle touche.
L'équipe MiXiT : Qu’apporte l’ergonomie dans un projet ?
Sophie Freiermuth : Avoir cette discipline dans son projet permet de véritablement intégrer l’utilisateur futur tel qu’il est, et non pas idéalisé ou trop simplifié. Le comprendre pour identifier ses problèmes et besoins, le garder en ligne de mire pour développer un produit qui a un public potentiel connu, l’écouter pour corriger, améliorer et assurer un futur commercial au produit. Une grande erreur est souvent de considérer un seul utilisateur : par exemple le développeur lui-même, ou encore le PDG qui a le mot final. Cela donne des produits qui se vendent mal, ont une presse médiocre, ou changent de cible-utilisateur avec les vents. Il y a un risque réel de livrer quelque chose qui marche et coche la case « done », mais en revanche qui ne convainc pas les utilisateurs. Je vais donc aider l’équipe à retenir une cible précise qu’elle aura beaucoup plus de chances de séduire. De plus, en apportant des outils de tests, je valide les hypothèses de l’équipe au fur et à mesure du développement, ce qui est bien plus efficace qu’une énorme série de tests en fin de développement, quand il est trop tard pour intégrer les leçons reçues.
L'équipe MiXiT : Ergonomie et agilité, c’est compatible ?
Sophie Freiermuth : C’est plus que compatible, c’est indispensable ! Je ne comprends pas comment on peut avoir un projet développant un produit destiné à un utilisateur sans prendre en compte cet utilisateur tout au long. L’ère du Webmaster ou du développeur seul maître à bord est finie depuis longtemps, aujourd’hui il y a une grande richesse à tirer des diverses disciplines disponibles : gestion du contenu, expérience utilisateur, etc. Un projet agile n’est jamais fini, il est en béta perpétuel. Le spécialiste UX aide l’équipe à garder l’utilisateur en ligne de mire au fur et à mesure des itérations. Il peut commencer par aider à définir cet utilisateur souvent mal compris puis il aide l’équipe à adresser tous ses besoins. Il aide à la documentation et facilite les discussions en produisant des visualisations via des sketches et des croquis. Mon expérience en agile a toujours été extrêmement concluante et je vise maintenant à donner aux équipes agiles des outils qui leur permettent de se centrer sur les utilisateurs même en l’absence d’un spécialiste à bord, afin qu’elles développent des produits plus performants.